Intervention au forum international de Caux (Suisse) sur le Proche Orient
Après avoir écouté tous les témoignages exprimés durant ces deux jours, et les analyses si pertinentes dont beaucoup m’ont impressionnées pour leur justesse et leur sincérité.
Je sais que je n’ai personnellement aucune légitimité pour apporter de témoignage concernant la souffrance des uns et des autres dans ce terrible conflit, je connais cette souffrance en détail, je la comprends, mais je ne peux la ressentir comme eux.
Cependant, depuis 1986, le Proche-Orient est devenu une partie de ma vie, et la paix israélo-palestinienne bien sûr est aussi au cœur de mon engagement.
Il m’a été donné de créer la Fondation Hommes de Parole en Suisse, et l’association française EquiLibre en 1984. Vous allez comprendre pourquoi je vous en parle et la raison de ces quelques informations :
Nous avons employé jusqu’à 5700 permanents salariés dans 21 pays. Nous avons initié et organisé les Congrès Mondiaux des Imams et Rabbins pour la Paix, à Bruxelles, Séville, l’Unesco. Congrès qui ont permis de renouer formellement le dialogue interrompu depuis 1948 entre l’Islam et le Judaïsme.
Nous avons organisé les Convois pour la Paix en Bosnie. Ils ont permis la réouverture des ponts routiers et aériens avec Sarajevo alors sous blocus total.
Nous avons aussi réalisé les convois pour la Paix à Gaza en 95 puis les années suivantes, qui à l’époque ont permis de maintenir vivant le fragile dialogue pour la paix qui se développait alors.
Nous avons forcé en convoi humanitaire l’embargo civil en Irak, convoi qui plus tard a initié l’opération « pétrole contre nourriture ». Si j’énumère ces actions parmi tant d’autres, ce n’est absolument pas pour valoriser qui que ce soit, ou quoi que ce soit, c’est seulement pour légitimer ce que je vais vous proposer.
Car face à la situation à Gaza et en Israël nous ne pouvons rien faire directement pour empêcher les bombes de tomber, les attentats de se produire, les exodes, la famine, les dizaines de milliers de morts… mais contrairement à ce sentiment d’impuissance absolu que nous ressentions tous, nous pouvons maintenant agir concrètement, pour limiter les conséquences de cette terreur.
Il y a une pensée chinoise qui m’a inspirée, et qui m’inspire en permanence, qui dit :
« Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres ».
Alors il faut tout faire pour allumer, et proposer à tous, d’allumer par nos actions le plus de bougies possible, ainsi les ténèbres reculeront, et bientôt on verra la lumière. J’en suis sûr.
Je veux vous proposer trois actions possibles dès maintenant, dont deux destinées aux enfants, et une qui permettra probablement une évolution positive de la situation au Proche-Orient. Ce sont des actions que nous connaissons bien car nous les avons déjà réalisées dans d’autres circonstances. La première s’appelle « l’Un pour l’Autre », réalisée en partenariat avec les écoles et les fédérations de parents d’élèves, elle consiste à mettre en lien par courrier les enfants de 5 à 10 ans, de France, d’Europe, de tous les pays possibles avec des enfants du même âge, de Gaza, de Cisjordanie, d’Israël également car ils subissent eux aussi les conséquences du drame actuel. Ce sont eux tous, et je l’espère ensemble, qui feront l’avenir.
Ainsi, les enfants, qui se trouvent dans les écoles encore existantes, ou provisoires de Gaza lorsqu’ils recevront le message d’un enfant européen ou français ou autre, ce sera comme s’ils ouvraient une fenêtre sur le monde, ils pourront ainsi sortir un peu de leur terreur.
Pour l’enfant expéditeur, c’est une conscience nouvelle grâce aux échanges avec ce nouvel ami qui vit autrement. Pour les parents dont l’enfant aura un ami à Gaza, ou en Israël, cela permettra une autre prise de conscience, et pour les professeurs l’occasion de parler du Proche Orient aidant, avec les parents, l’éducation à cette culture de paix qu’il est si urgent et impératif de développer aujourd’hui.
Nous avons réalisé cette action en 98 et en 2005, elle avait mis en relation plus de 10.000 enfants français avec des enfants de 4 pays, de Gaza, du Rwanda, de Bosnie, du Mali. Certains d’ailleurs sont toujours en relation.
ÉquiLibre assurera évidemment toute la logistique de traduction, d’acheminement, de distribution.
Ensuite, il y a l’opération « 1000 enfants à l’abri », nous l’avons déjà réalisée lors de la guerre en Bosnie, nous avions ramené en France 1270 enfants et leurs mères. Ils avaient été accueillis par 446 familles dans 51 communes françaises. Certains d’entre vous s’en souviennent peut-être.
Cette opération avait permis des élans de solidarité extraordinaires à travers toute la France, entre les familles d’accueils et toutes les familles qui avaient désiré soutenir les familles accueillantes.
Cette nouvelle opération que je vous propose s’appellera « 1000 enfants de Gaza à l’abri » mères et enfants seront également accueillis dans des familles françaises et européennes, mais à la différence de l’opération pour les enfants de Bosnie, ils n'arriveront pas tous ensemble de Gaza le même jour, mais par petits groupes de 3 à 10.
Tous nous pouvons : soit accueillir, soit soutenir et partager les tâches de ceux qui accueilleront, soit participer à la mise en place, ou aux frais de l’opération.
Beaucoup de questions se posent évidemment concernant cette opération, pour lesquelles existent bien sûr des réponses appropriées que je transmettrai à tous ceux qui le souhaitent.
Enfin, cette dernière proposition à tous…
De participer directement ou indirectement, mais très concrètement, au « Pèlerinage de Jérusalem » Ville Universelle de la Paix.
Aucune institution, aucun pouvoir traditionnel n’a su imposer la paix.
Ni la force, ni les armes, ni la peur n’ont jamais apporté autre chose que la haine, la violence, et la division. Alors, nous proposons une autre voie : celle de l’humanisme.
Ce pèlerinage de croyants, et de non- croyants bien sûr…, s’adresse à tous ceux qui face à l’insupportable refusent de rester impuissants alors qu’il existe la possibilité d’agir.
Cette marche peut susciter un réel mouvement, un raz-de-marée des conscience car ce conflit est exemplaire puisqu’il contient toutes les composantes des conflits du monde.
Cette marche de l’humanité, loin de toute posture politicienne, ou de toute provocation frontale envers Israël, son gouvernement et ses soutiens, s’inscrit dans une démarche profondément « non violente ». Son objectif n’est pas de défier, ce n’est pas une marche « contre », mais une marche « pour ». « Pour » témoigner qu’une autre voie est possible et devenue absolument incontournable, celle de l’écoute, de la coexistence, de la justice, de la vérité, c’est-à-dire celle de la Fraternité.
En choisissant de passer par Gaza pour atteindre Jérusalem, ce pèlerinage veux incarner un symbole fort : la paix ne se construit, ni par la force, ni par la domination, mais uniquement par la reconnaissance de la dignité de chaque peuple, de chaque être humain et la recherche d’une cohabitation pacifique.
Nous serons soutenus par les plus hauts responsables des différentes religions. Aussi malgré les contradictions politiques prévisibles, nous pensons que nous obtiendrons l’accord d’une trêve des combats, acceptée par toutes les parties durant la durée de cette marche. Le départ du pèlerinage est prévu le 4 février, journée mondiale de la Fraternité décrétée par les Nations Unies.
Sur la route, des femmes et des hommes de tous horizons pourront se joindre à nous physiquement, à pied, en voiture, en camion, en autocar, en avion…
Et bien sûr, comme toutes les spiritualités partagent le même objectif de paix et de fraternité, nous savons que cette marche sera soutenue par les croyants, les communautés, et les chefs spirituels des différentes religions.
Elle n’a d’autre ambition que de répondre physiquement et spirituellement à l’urgence humaine, sans provocation, sans dépendance politique, religieuse, philosophique, ou économiques
Nous savons aujourd’hui quelle est la puissance du monde invisible…
Aussi les millions qui ne pourront nous rejoindre sur la route pourront se joindre à nous et participer à ce pèlerinage d’où qu’ils se trouvent.
Ils seront acteurs très concrètement par la pensée, par la prière, par la méditation. Ensemble, reliés à l’Univers nous porterons ce puissant message d’espoir, de justice et de paix. Nous croyons que le bien peut l’emporter sur le mal, que l’engagement de chacun compte, car c’est ensemble, tous ensemble que nous y parviendrons.
Aucune cause n’est plus urgente que celle de la vie.
Parce que l’histoire n’avance qu’avec ceux qui osent agir, même quand tout semble impossible.
J’aime bien aussi cette phrase de Saint-Exupéry… « L’impossible recule toujours quand on marche vers lui. »
Et enfin : contrairement au dicton « à l’impossible nul n’est tenu », lorsque la conscience demande ce qui semble impossible, alors « à l’impossible tous sommes tenus… ».